que plus Hiraux frottait, plus elle devenait aiguë, et qu’il avait déjà les yeux gros comme des œufs, lorsqu’une âme charitable lui donna le conseil d’aller s’éteindre dans le lavoir du couvent. Hiraux comprit la valeur du conseil ; il y courut tout droit, et, grâce à ce bain prolongé, adoucit un peu la cuisson qui le dévorait.
Mais ce qu’il ne put éteindre, ce fut une fièvre brûlante qui le cloua pour huit jours dans son lit.
Le prieur sut la maladie, se renseigna sur les causes de cette maladie, et punit le cuisinier et ses marmitons.
Hiraux fut satisfait quant à eux ; mais le véritable coupable, aux yeux du patient, échappait à la justice du prieur ; ce véritable coupable, c’était l’organiste qui l’avait dénoncé, trahissant ainsi la sainte fraternité de la musique ; car Hiraux, en sa qualité de souffleur d’orgues, se regardait déjà comme musicien.
Il résolut de se venger de l’organiste.
Hiraux était profond et mystérieux comme les corridors de son cloître ; il renferma sa vengeance en lui-même, décidant qu’elle n’éclaterait que le jour de Pâques.
Le jour de Pâques est une grande fête par toute la chrétienté. Ce jour-là, tous les paysans des environs venaient entendre la messe au couvent de Bourg-Fontaine. Il y avait donc triomphe pour tout le monde : triomphe pour le prieur qui la disait, pour les moines qui la chantaient, pour les enfants de chœur qui la servaient, pour l’organiste qui l’accompagnait, et même pour Hiraux qui la soufflait.
La veille de Pâques, Hiraux, avec un soin digne des plus grands éloges, monta, son plumeau à la main, à la tribune, et passa la journée à nettoyer l’orgue.
Mais, contre toute attente, le lendemain, malgré les efforts du souffleur, malgré la dextérité du musicien, l’orgue ne rendit que des sons étouffés et plaintifs, qui non-seulement n’accompagnaient pas, mais encore troublaient la messe. L’organiste avait beau pousser ou tirer, le hautbois était muet, la trompette était enrouée, et la voix humaine avait une extinction.