Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 1.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Seulement, comme il n’avait pas de moines à nourrir, il mangeait la récolte à lui tout seul.

Cela ne le rassasiait pas, mais cela le nourrissait.

Puis Boudoux avait une industrie, ou plutôt deux industries : Boudoux allait à la marette et à la pipée.

Indiquons à MM. les Parisiens, qui pourraient bien ne pas savoir ce que c’est, quelles sont ces deux industries que nous venons de désigner sous le nom de marette et de pipée.

Commençons par la marette.

Il n’y a point de forêts, de bois, de remises, qui ne possèdent quelques-unes de ces flaques d’eau que l’on désigne sous le nom de mares.

Témoin la mare d’Auteuil, qui, autant que je puis m’en souvenir, jouissait, de son vivant, d’une certaine célébrité.

À ces mares, situées dans la forêt, dans les bois, dans la remise, les oiseaux vont boire, à certaines heures. On enfonce dans la terre molle et détrempée qui les borde, de petites branches de bouleau enduites de glu, et, lorsque les oiseaux viennent pour boire, ils se prennent à ces gluaux.

Cela s’appelle tendre une mare. Dans cette action de tendre une mare plus ou moins habilement, gisent tout le succès de la chasse et toute l’adresse du chasseur.

Seulement, — il faut tout expliquer, — comme il existe plus de petites mares que de grandes, comme les petites mares sont préférables aux grandes, parce qu’elles exigent moins de gluaux, et par conséquent moins de dépense, comme les petites mares s’appellent des marettes, on dit, dans le langage de la chasse aux petits oiseaux : « Aller à la marette. »

Quant à la pipée, elle s’opère par les mêmes procédés, mais avec d’autres détails.

On choisit un arbre assez élevé pour dépasser de sa cime la partie de taillis qui l’entoure ; on le dépouille de ses petites branches, on les remplace par des gluaux fichés dans des entailles faites à la serpe ; on se place dans une cabane de feuillage construite autour du tronc de l’arbre, et l’on attire tous les oiseaux des environs par trois moyens.

Le premier est d’attacher un hibou au centre de l’arbre.