un ans, et qui a reçu, des mains de M. de Ménars, ce fameux chapeau historique détourné momentanément de son usage habituel par madame la duchesse de Berry.
Nous reprendrons donc notre narration au moment où Madame, traquée de tous côtés à la suite des affaires de Maisdon, de la Caraterie, du Chêne, de la Pénissière et de Riaillé, prit la résolution de rentrer à Nantes.
Ce projet, qui, au premier abord, paraît téméraire, était cependant celui qui présentait le plus de sécurité. Une fois arrivée à Nantes, madame la duchesse de Berry rencontrerait un asile sûr ; il ne s’agissait plus pour elle que de trouver les moyens d’y parvenir sans être découverte.
La duchesse trancha la question elle-même en déclarant qu’elle rentrerait à Nantes à pied, vêtue en paysanne, et suivie seulement de mademoiselle Eulalie de Kersabiec.
Elles avaient à peu près trois lieues à faire.
M. de Ménars et M. de Bourmont partirent après elles, et entrèrent à Nantes sans déguisement, bien qu’ils fussent cependant très-connus ; ils passèrent la Loire en bateau, en face de la prairie des Mauves[1].
Au bout d’une heure de marche, les gros souliers et les bas de laine, auxquels la duchesse n’était point habituée, lui blessèrent les pieds ; elle essaya, cependant, de marcher encore, mais, jugeant que, si elle gardait sa chaussure, elle ne pourrait continuer sa route, elle s’assit sur le bord d’un fossé, ôta ses souliers et ses bas, les fourra dans ses grandes poches, et se mit à marcher nu-pieds.
Mais bientôt, en voyant passer les paysannes, elle remarqua que la finesse de sa peau et la blancheur aristocratique de ses jambes pourraient la trahir ; alors, elle s’approcha d’un des bas côtés de la route, y prit de la terre noirâtre, se brunit les jambes en les frottant avec cette terre, et poursuivit son chemin. Il y avait encore deux bonnes lieues à faire.
C’était, on en conviendra, un admirable thème de pensées
- ↑ Voir, pour plus de détails, la Vendée et Madame, relation écrite par moi sur les notes de Dermoncourt.