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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/69

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Vous me direz qu’il y a des princes qui ont de l’esprit.

Parbleu ! j’en ai connu, et j’en connais encore ; seulement, par état, ils sont obligés de le cacher.

Il était impossible d’avoir un esprit plus charmant, plus fin, plus élégant, que ne l’avait M. le duc d’Orléans ; et cependant personne moins que lui ne laissait voir cet esprit.

Un jour qu’il m’avait fait une de ces réponses adorables dont sa conversation fourmillait, quand il avait affaire aux artistes :

— Mon Dieu, monseigneur, lui demandai-je, comment se fait-il donc qu’étant un des hommes les plus spirituels que je connaisse, vous ayez si peu la réputation d’un homme d’esprit ?

Il se mit à rire.

— Vous êtes charmant ! dit-il ; est-ce que vous croyez que je me permets d’avoir de l’esprit avec tout le monde ?

— Mais, monseigneur, vous en avez bien avec moi, et du meilleur même.

— Parbleu ! parce que je sais que cela vous est égal, à vous : vous en aurez toujours autant que moi, sinon davantage ; mais, avec les imbéciles, mon cher monsieur Dumas !… j’ai assez de peine à me faire pardonner par ceux-là d’être prince, sans avoir encore à me faire pardonner par eux d’être un homme d’esprit… Ainsi, c’est convenu : quand vous voudrez, non pas me faire plaisir, mais me rendre service, vous direz que je suis un imbécile !

Pauvre cher prince !


CCXLVII


Le 22 juillet 1832.

Le lendemain de ce magnifique incendie, un de nos baigneurs qui revenait de Chambéry entra dans la salle de réunion en disant :

— Messieurs, savez-vous la nouvelle ?

— Non.