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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/70

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Le duc de Reichstadt est mort.

Le duc de Reichstadt était mort, en effet, le 22 juillet, à cinq heures huit minutes du matin, le jour anniversaire de celui où une patente, de l’empereur l’avait nommé duc de Reichstadt, et où il avait appris la mort de son père l’empereur Napoléon.

Ses dernières paroles avaient été :

Ich gehe unter !… Mutter ! mutter ! … (Je succombe !… Manière ! ma mère !…)

Ainsi, c’était dans une langue étrangère que l’enfant de 1811 avait dit adieu au monde !

Les recherches que nous avons faites sur ce jeune prince, pâle figure historique qui va s’effaçant de jour en jour, tandis que de jour en jour grandit, le fantôme de son père, nous permettent de donner quelques détails, inconnus peut-être, sur cette courte vie, sur cette douloureuse mort.

Victor Hugo, l’homme auquel il faut toujours revenir quand il s’agit de mesurer le géant Napoléon, a fait l’histoire poétique du jeune prince en quelques strophes.

Qu’on nous permette de les citer. — Dire que nous aimons le poëte exilé soulage notre cœur ; dire que nous l’admirons adoucit nos regrets. La tombe est sourde, mais peut-être l’exil est-il plus sourd encore. Notre voix est de celles que nos amis entendent dans la tombe, entendent dans l’exil. Hier, le duc d’Orléans ; aujourd’hui, Hugo.


Mil huit cent onze ! — ô temps où des peuples sans nombre
Attendaient, prosternés sous un nuage sombre,
Que le ciel eût dit oui !

Sentaient trembler sous eux les États centenaires,
Et regardaient le Louvre, entouré de tonnerres
Comme un mont Sinaï !

Courbés comme un cheval qui sent venir son maître,
Ils se disaient entre eux : « Quelqu’un de grand va naître ;
L’immense empire attend un héritier demain.
Qu’est-ce que le Seigneur va donner à cet homme
Qui, plus grand que César, plus grand même que Rome,
Absorbe dans son sortie sort du genre humain ? »