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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/14

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

entendait le canon aussi distinctement qu’on entend le tonnerre dans un orage.

Il semblait même que nous marchions du côté où on entendait le canon ; mais la peur est tellement aveugle, que l’ennemi eût-il été devant nous, ma mère eût mieux aimé continuer son chemin que de retourner en arrière.

Nous passâmes à Dammartin, sans nous arrêter, excepté pour demander des nouvelles. Personne n’était renseigné d’une manière certaine. — Le comte d’Artois était à Nancy ; les souverains alliés, à Nogent-sur-Seine. De tous côtés, l’ennemi marchait sur Paris. — On ne savait rien de plus.

Nous fîmes rafraîchir le cheval à Villeneuve-Saint-Georges ; puis, après avoir dîné, nous nous remîmes en route, et, vers les huit heures du soir, nous arrivâmes au Mesnil.

Nous descendîmes à un hôtel dont j’ai oublié le nom, mais qui était situé à gauche, à l’angle d’une rue en face de la poste aux chevaux.

Le lendemain, à mon regret, on ne parla point de continuer le voyage ; il paraissait à peu près décidé que nous n’irions pas plus loin.

Comment étions-nous mieux au Mesnil qu’à Villers-Cotterets, à douze lieues de distance de notre point de départ et sur la même route ? C’est ce que ni ma mère ni mademoiselle Adélaïde n’eussent certainement pu dire.

Tant il y a qu’il fut décidé, sauf événement grave, que l’on était parvenu au but du voyage.

Nous étions arrivés au Mesnil le 22 mars.

Le 25, il fut question d’une grande revue de la garde nationale, que devait passer le roi Joseph dans la cour des Tuileries.

Cette solennité éveilla la curiosité de mademoiselle Adélaïde, qui n’avait jamais vu Paris, et il fut décidé qu’on remettrait le cheval à la voiture, que l’on partirait le 26 dans l’après-midi, qu’on irait coucher à Paris, que l’on verrait la revue du 27, et que l’on reviendrait le 28.

Ma mère ne se souciait pas de ce petit voyage. Paris lui rappelait des souvenirs que mon insoucieuse enfance avait ou-