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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/147

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


XLV


La chasse aux loups. — Les petites villes. — Mort tragique de Choron.

Cinq ou six ans s’étaient écoulés depuis les événements que nous venons de raconter. — J’avais quitté Villers-Cotterets, et j’y revenais passer quelques jours près de ma bonne mère.

C’était au mois de décembre, et la terre était toute couverte de neige.

Ma mère embrassée et réembrassée, je courus droit chez M. Deviolaine.

— Ah ! te voilà, garçon, dit-il ; tu arrives bien !

— Chasse au loup, n’est-ce pas ?

— Justement.

— J’y pensais en voyant la neige, et je suis enchanté de ne m’être pas trompé dans ma prévision.

— Oui, on a eu connaissance de trois ou quatre de ces messieurs dans la forêt, et, comme il y en a deux sur la garderie de Choron, je lui ai fait passer aujourd’hui l’ordre de les détourner cette nuit, en le prévenant que nous serions chez lui demain matin, à sept heures.

— À la Maison-Neuve, toujours ?

— Toujours.

— Et que devient-il, ce pauvre Choron ? Tue-t-il encore les sangliers à coups de baïonnette ?

— Oh ! les sangliers sont exterminés, depuis le premier jusqu’au dernier. Je crois qu’il n’en reste plus un seul dans la forêt. Il les a tous passés en revue.

— Et leur mort l’a-t-elle consolé ?

— Ma foi, non. Tu le verras : le pauvre diable est plus triste et plus sombre que jamais ; il est bien changé. J’ai cependant fait avoir une pension à la veuve de Berthelin ; mais rien ne peut le guérir de son chagrin, il est mordu au cœur. Ajoute à cela qu’il est plus jaloux que jamais.