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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/148

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et toujours aussi injustement ?

— C’est-à-dire que la pauvre petite femme est un ange !

— Alors, c’est de la monomanie ! Il n’en est pas moins un de vos bons gardes, n’est-ce pas ?

— Excellent.

— Et il ne nous fera point faire buisson creux, demain ?

— Je t’en réponds.

— C’est tout ce qu’il nous faut ; quant à sa folie, eh bien, remettons-nous-en au temps pour la guérir.

— Eh ! garçon ! j’ai bien peur, au contraire, que le temps ne fasse qu’empirer la chose, et, à force de le lui entendre répéter, je commence à croire qu’il lui arrivera malheur.

— Vraiment ! à ce point-là ?

— Ma foi, oui ! Au reste, j’ai fait ce que j’ai pu, et je n’aurai rien à me reprocher.

— Et les autres, comment vont-ils ?

— À merveille.

— Mildet ?…

— Coupe toujours en deux les écureuils, à balle franche seulement. Aujourd’hui, ce n’est plus lorsqu’ils montent le long des arbres, c’est quand ils sautent d’un arbre à l’autre.

— Et son rival, Moinat ?

— Ah ! le pauvre diable, tu sais ce qui lui est arrivé ?

— Aurait-il été tué aussi par quelque neveu ?

— L’hiver passé, à une chasse au loup, son fusil a crevé, et lui a emporté la main gauche.

— Un pareil accident, à un vieux chasseur comme lui ! Et comment diable cela s’est-il fait ?

— Un jour qu’il sautait un fossé, le bout de son fusil s’est enterré ; il ne s’en est pas aperçu, et, privé d’air, le canon a crevé.

— Y a-t-il eu moyen de lui sauver une partie de la main ?

— Pas un doigt ! Lécosse la lui a coupée à un pouce ou deux du poignet.

— Alors, il ne peut plus chasser ?

— Ah ! oui ! nous avons chassé, hier, dans les marais de