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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/161

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cendent l’une trop rapidement, et qui ne savent plus comment remonter l’autre.

Des attelages de bœufs stationnent au village, et font l’office de cabestans.

Le sommet de la seconde montagne, sommet du haut duquel on aperçoit Villers-Cotterets, distant d’une lieue à peine, est couronné par un moulin à vent, appartenant à M. Picot, auquel, du reste, appartient une partie de la plaine de Noue, de Coyolle et de Largny.

Ce moulin à vent va jouer un grand rôle dans ce qui me reste à dire, — car on comprend bien que ce n’est pas à titre de simple description que je viens de relever la route, peu intéressante pour mes lecteurs, de Villers-Cotterets à Crépy. Ce moulin à vent, allais-je dire, est parfaitement isolé de toute habitation, et s’élève au-dessus du fond de Vouffly, à peu près à trois kilomètres de Largny, et à une lieue de Villers-Cotterets,

Voilà donc la route que je suivais, au plus grand trot de mon cheval de boulanger, sous le pas duquel le pavé de Sa Majesté Louis XVIII résonnait lourdement.

Vers huit heures, à peu près, j’étais aux environs de la fontaine Eau-Claire.

J’ai déjà dit que le temps était sombre ; la lune, à son premier quartier, était voilée par de longs nuages courant rapidement au ciel, et dont les extrémités se frangeaient d’une espèce d’écume grise.

Je rapportais de l’argent. J’étais sans arme. J’avais quinze ans à peine ; les traditions de la fontaine Eau-Claire étaient vivantes dans mon esprit ; — toutes circonstances qui me faisaient légèrement battre le cœur.

À la moitié de la descente, je mis mon cheval au trot, et, grâce à une branche de chêne que j’avais cueillie au bois du Tillet, je parvins à le faire passer au galop.

Je franchis l’endroit dangereux, le malo sitio, comme on dit en Espagne, sans accident, et, quoique l’ayant franchi, je décidai que le galop serait désormais l’allure que j’imprimerais à mon cheval.