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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/223

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ribbing, qui avait été arrêté en même temps qu’Ankarström, n’en avait, lui, que vingt et un ; il allait être condamné à mort comme Ankarström ; le duc de Sudermanie, régent du royaume pendant la minorité de Gustave IV, pressait l’instruction, lorsqu’un illuminé, disciple de Swedenborg, vint le trouver, et lui annonça que le maître lui était apparu, lui avait déclaré que non-seulement Ribbing était innocent, mais encore que chaque cheveu qui tomberait de sa tête coûterait un jour de vie au duc de Sudermanie. Le duc, swedenborgiste lui-même, s’effraya à cette idée, et Ribbing, au lieu de partager le sort d’Ankarström, fut condamné à un exil éternel.

Comme on ne pouvait faire, pour le comte de Horn et pour Lilienhorn, moins que l’on ne faisait pour Ribbing, tous deux obtinrent la même faveur.

La confiscation des biens suivait l’exil.

Heureusement, la confiscation de ces biens ne devait avoir lieu, pour le comte de Ribbing, qu’après la mort de sa mère, qui, lui vivant, héritait de lui, et sa mère était encore jeune.

Le comte partit pour la France, qui était en pleine révolution, et y arriva pour voir les 2 et 3 septembre et le 21 janvier. Son adoration pour la reine, le fit éclater en reproches contre ces jours terribles. Il fut arrêté, et lui, régicide, allait être livré au tribunal révolutionnaire, comme trop sympathique aux malheurs d’un roi, lorsque Chaumette le fit mettre en liberté, lui donna un passe-port, et l’aida à sortir de Paris.

Le comte se rendit alors en Suisse : il était jeune, et si beau, qu’on ne l’appelait que le beau régicide. Il fut présenté à madame de Staël, qui lui accorda une grande part dans son amitié. Deux ou trois cents lettres de madame de Staël, que le comte de Ribbing reçut d’elle pendant tout le cours de La vie de l’illustre auteur de Corinne, prouvent que cette amitié ne fut point passagère.

Madame de Staël était entourée d’un cercle d’amis, dont quelques-uns avaient été ceux du comte de Ribbing. Cette petite cour, moitié politique, moitié littéraire, ne s’occupa alors que d’une chose, ce fut de secourir, de cacher, de protéger les émigrés contre les persécutions des magistrats des cantons