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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/224

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

helvétiques, qui avaient la main forcée par les exigences continuelles du gouvernement révolutionnaire de Paris.

Après le 9 thermidor, le comte de Ribbing put rentrer en France, où il acheta, à très-bas prix, trois ou quatre châteaux et deux ou trois abbayes. Au nombre des châteaux étaient Villers-Hellon, Brunoy et Quincy.

Le comte avait fait toutes ces acquisitions sur simples recommandations, soit de ses amis, soit de son notaire. Villers-Hellon, entre autres, lui était parfaitement inconnu. Un beau matin, il résolut d’aller visiter cette charmante propriété, qu’on lui avait beaucoup vantée. Malheureusement, le moment était mal choisi pour en apprécier tous les charmes : un arrêté de la commune de Villers-Hellon avait livré le château à une association de cordonniers, qui exécutaient des souliers pour l’armée ; les honorables disciples de saint Crépin s’étaient, en conséquence, emparés du domaine, avaient établi leurs ateliers dans les salons et dans les chambres, et, pour plus grande facilité de communication, ils avaient pratiqué des ouvertures dans les plafonds. Quand c’était une communication orale qu’ils avaient à faire, elle s’opérait de cette façon, par les judas, sans que celui qui avait à faire cette communication eût besoin de quitter sa place ; quand c’était une visite à accomplir, de bas en haut ou de haut en bas, des échelles appliquées aux ouvertures économisaient les tours et détours que nécessite toujours un escalier.

On comprend que de pareils locataires nuisaient fort à l’aspect du château que venait d’acheter le comte. Aussi fut-il effrayé de la vue et surtout de l’odeur, et s’enfuit-il précipitamment à Paris.

Quelques jours après, il racontait, avec l’esprit qui lui était particulier, sa mésaventure devant M. Collard, alors attaché à la fourniture des armées. M. Collard, plus habitué que le noble proscrit à l’appréciation des choses matérielles, lui offrit alors de reprendre son marché. M. de Ribbing y consentit, et Villers-Hellon devint, à partir de ce moment, la propriété de M. Collard.

Heureusement, le comte de Ribbing avait encore deux ou