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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/298

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Oh ! comme l’étude de maître Mennesson fut abandonnée, ce jour-là ! comme le parc me parut beau ! comme les grands bois, avec leurs feuilles murmurantes, avec leurs oiseaux chanteurs sur ma tête, et leurs chevreuils effarouchés à l’horizon, étaient bien le cadre qu’il fallait à l’espace dans lequel ma pensée souriait et dansait comme une nymphe joyeuse ! Amour, premier amour, sève de la jeunesse, comme tu fais éclore la vie en nous ! comme tu la fais circuler par les canaux les plus secrets jusqu’aux extrémités de nos sens, vaste domaine où chaque homme renfermé dans ce monde enferme à son tour en lui le monde entier !


LIX


Retour d’Adolphe de Leuven. — Il me montre un coin du monde artistique et littéraire. — La Mort d’Holbein et la Mort d’Orcagna. — Les entrées dans les coulisses. — La Lénore de Bürger. — Premier sentiment de ma vocation.

Sur ces entrefaites, après cinq ou six mois d’absence, de Leuven revint à Villers-Cotterets. Ce retour allait ouvrir un nouveau champ à mes désirs, désirs que cependant je croyais comblés.

Jetez une pierre au milieu d’un lac si large qu’il soit, et le premier cercle qu’elle dessinera autour d’elle en s’abîmant ira s’élargissant et se multipliant, comme nos jours et comme nos désirs, jusqu’à ce que le dernier touche la rive, c’est-à-dire l’éternité.

Adolphe était revenu, et avait ramené avec lui Lafarge.

Pauvre Lafarge ! Vous vous le rappelez, n’est-ce pas, ce maître clerc si brillant qui revenait au pays natal dans un élégant cabriolet, attelé d’un cheval fringant ? Eh bien, il avait acheté une étude, mais là s’était arrêté le cours de sa fortune ascendante. Par une de ces incroyables fatalités, quoiqu’il fût jeune, beau garçon, spirituel, peut-être même parce qu’il était tout cela, ce qui est parfaitement inutile à un notaire, il