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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/299

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

n’avait pas trouvé de femme pour payer cette étude ; il avait, en conséquence, été obligé de la revendre, et, dégoûté du notariat, il s’était jeté dans la littérature.

De Leuven, qui l’avait aperçu à Villers-Cotterets, l’avait retrouvé à Paris, et était revenu avec lui.

Il restait encore au pauvre garçon quelque chose de son ancienne splendeur. Cependant, au milieu de ses nouveaux plans d’avenir, on cherchait vainement une conviction réelle ; à peine y voyait-on passer l’espérance à l’état de nuage flottant !

Pendant son voyage à Paris, un grand changement s’était opéré dans l’esprit d’Adolphe, changement qui allait réagir sur moi.

Chez M. Arnault, dont il était devenu l’hôte, Adolphe avait vu de près un monde entrevu déjà par lui chez Talma, le monde littéraire.

Là, il avait connu Scribe, déjà à l’apogée de sa gloire. Là, il avait connu mademoiselle Duchesnois, maîtresse de Telleville, à cette époque, et qui répétait Marie Stuart. Là, il avait connu M. de Jouy, qui achevait son Sylla ; Lucien Arnault, qui commençait son Régulus ; Pichat, qui, en exécutant Brennus, et en rêvant Léonidas et Guillaume Tell, embrassait un avenir où, sa première couronne sur la tête, sa première palme à la main, l’attendait la mort.

De ces hauteurs splendides de l’art, il était ensuite descendu aux régions secondaires. Il avait fait connaissance avec Soulié, qui publiait à cette époque, des poésies dans le Mercure ; avec Rousseau, ce Pylade de Romieu, que son Oreste a laissé, un jour, à l’embranchement du chemin qui le conduisait à sa sous-préfecture ; avec Ferdinand Langlé, amant passager de la pauvre petite Fleuriet, sur laquelle, dit-on, un empoisonneur célèbre fit l’essai de la poudre mortelle avec laquelle il devait tuer plus tard son ami ; avec Théaulon, esprit charmant, travailleur infatigable, qui ne travaillait que dans l’espoir d’arriver un jour à la paresse, qui n’eut jamais le temps d’être paresseux, et qui, bercé parfois un moment aux bras de l’Amour, ne se reposa réellement que sur le sein de la