Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

temps, nous nous livrions sans relâche à tous les travaux qui pouvaient assurer la tranquillité et le bonheur de nos peuples. Cette tranquillité est troublée, ce bonheur peut être compromis par la malveillance et la trahison. »

Figurez-vous, chers lecteurs, un de ces bons bourgeois abonnés au Moniteur, — il y en a peu, mais il y en a, — figurez-vous un maire, un préfet, un sous-préfet, un de ces hommes qui, par devoir, par position, par dévouement, sont obligés de lire la prose du gouvernement ; figurez-vous un de ces hommes, ouvrant négligemment la feuille officielle, qu’il lit tous les matins pour l’acquit de sa conscience, et tombant sur ce premier paragraphe, terminé par les mots inquiétants de malveillance et de trahison.

— Tiens ! tiens ! tiens ! dit-il, qu’y a-t-il donc ? Et il continue :

« Si les ennemis de la patrie ont fondé leur espoir sur les divisions, qu’ils ont toujours cherché à fomenter, ses soutiens, ses défenseurs légaux, renverseront ce criminel espoir par l’inattaquable force d’une union indestructible. »

— Certainement qu’on renversera ce criminel espoir, dit le bourgeois, qui ne sait pas encore où on le mène.

— Certainement que nous renverserons ce criminel espoir, dit le fonctionnaire public, qui se figure qu’il s’agit de quelque conspiration de sous-officiers.

Seulement, le bourgeois se retourne vers sa femme, fait un signe de tête, et répète :

« … Par l’inattaquable force d’une union indestructible. »

Et ajoute :

— Comme il écrit bien, le gouvernement !

Puis, bourgeois ou fonctionnaire public, le lecteur continue :