Charles reconnut ma voix, et accourut au-devant de moi.
— Ah ! me dit-il, si tu étais venu un peu plus tôt… Hutin sort d’ici.
Hutin était un de nos camarades dont j’aurai l’occasion de parler plus tard, à propos de la révolution de juillet et de mon expédition sur Soissons, où, plus heureux que les généraux Lallemand, j’enlevai les poudres de la ville.
— Ah ! il est parti, répondis-je ; ma foi, tant pis… Nous jouerons bien tout de même sans lui, n’est-ce pas ?
— Certainement.
— Eh bien, allons.
Nous entrâmes dans la salle basse.
— Il ne faut pas faire trop de bruit, me dit Charles.
— Pourquoi cela ?
— Parce qu’il y a du monde dans la pistole.
— Ah ! je sais bien… les prisonniers… Dis donc, je voudrais les voir.
— C’est qu’ils m’ont renvoyé tout à l’heure, en disant qu’ils voulaient dormir.
— Dis-leur que je suis le fils d’un général aussi, moi. Ils ont dû connaître mon père.
Charles s’avança jusqu’à la porte.
— Dites donc, monsieur Lallemand, dit-il, il y a là un de mes camarades qui vient de Villers-Cotterets, et qui dit que vous avez dû connaître son père.
— Comment s’appelle-t-il.
— Il s’appelle Alexandre Dumas,
— Est-ce le fils du général Alexandre Dumas ? dit l’un des frères Lallemand.
— Oui, général, répondis-je.
Et j’entrai.
— C’est toi, mon enfant ? dit le général.
— Oui, général, c’est moi.
— Viens, mon enfant, viens… C’est toujours un plaisir pour un soldat que de voir le fils d’un brave, et ton père en était un. Il est mort ?
— Oui, général, il y a déjà huit ans.