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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/77

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et tu es venu à Soissons ?

— Oui, général…

Puis, tout bas :

— Pour vous voir, ajoutai-je.

— Comment, pour me voir ?

— Oui… Renvoyez Charles.

Une seule chandelle éclairait la pistole ; elle était sur la table, près du lit du général. Il fit semblant de ta moucher, et l’éteignit.

— Ah ! bon ! dit-il, je suis adroit… Charles, va nous rallumer cette chandelle.

Charles prit la chandelle, et passa dans la salle basse. Nous restâmes dans l’obscurité.

— Que me veux-tu, mon enfant ? demanda le prisonnier.

— Général, lui dis-je, je suis chargé, par ma mère et par des amis à vous, de vous remettre une paire de pistolets à deux coups tout chargés, et un rouleau de cinquante louis. J’ai tout cela dans mes poches : le voulez-vous ?

Le général demeura un instant sans parler, puis je sentis qu’il approchait ma tête de la sienne.

— Merci, mon ami, dit-il en m’embrassant au front ; l’empereur sera à Paris avant que notre procès soit fait…

Puis, m’embrassant une seconde fois :

— Merci, tu es un brave enfant. Va jouer, et prends garde qu’on ne te soupçonne d’être venu pour nous.

— Décidément, général, vous croyez n’avoir besoin ni des pistolets ni de l’argent ?

— Non, merci. La même proposition m’a déjà été faite dans la soirée, et j’ai refusé.

— Alors, je dirai donc à ceux qui ont peur pour vous, que vous n’avez pas peur ?

Le général se mit à rire.

— Oui, dis-leur cela.

Et il m’embrassa une dernière fois en me poussant doucement du côté de la porte.

Charles revenait avec la lumière.