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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/32

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cependant, tout espoir n’était pas encore perdu pour le Dîner d’amis, et pour le Major de Strasbourg.

Après avoir tenté vainement les abords du Gymnase et des Variétés, on pouvait essayer de la Porte-Saint-Martin, de l’Ambigu-Comique et de la Gaieté.

Mais, quant aux malheureux Abencérages, il en fallait faire son deuil.

Je versai sur eux une larme aussi amère que celle que Boabdil versa sur Grenade, et, plein de sinistres pressentiments, j’attendis la troisième lettre.

Humiliation complète ! nous avions été refusés partout !

Mais Adolphe avait plusieurs pièces en train avec Théaulon, avec Soulié et avec Rousseau. Il allait tâcher de se faire jouer, et, une fois joué, il userait de l’influence que lui donnerait son succès pour exiger la réception de l’une de nos pièces.

La consolation était médiocre, l’attente chanceuse.

Je demeurai fort abattu.

Sur ces entrefaites se produisit un événement, qui, dans toute autre circonstance, m’eût rendu l’espoir.

M. Deviolaine venait d’être nommé conservateur des forêts du duc d’Orléans ; il quittait Villers-Cotterets, et allait à Paris prendre la direction de l’administration forestière.

Il avait deux moyens de m’être utile : ou en m’appelant dans ses bureaux, ou en me plaçant dans le service actif.

Malheureusement, depuis l’affaire de madame Lebègue, j’étais en froid avec la famille.

Cela n’empêcha pas ma mère, qui voyait dans l’une ou l’autre de ces deux carrières un avenir pour moi, de faire une démarche près de M. Deviolaine.

On se souvient que M. Deviolaine, sans être un vieux soldat, ne savait point farder la vérité. Il répondit à ma mère :

— Oui, sans doute, si votre gueux d’Alexandre n’était pas un paresseux, on pourrait faire quelque chose pour lui ; mais je vous avoue que je n’y ai pas confiance. D’ailleurs, après les propos qui ont été tenus, je ne dis pas par lui, mais que tout au moins il n’a pas démentis, tout le monde me ferait la guerre ici.