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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/10

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

L’affaire s’était faite par l’entremise de la haute diplomatie russe.

C’était M. de Narichkine, remplissant les fonctions de grand chambellan, qui, de la part de l’empereur, avait chargé M. de Beckendorf de préparer cette fuite.

Elle avait eu lieu dans le plus grand secret. Cependant, vingt-quatre heures après la disparition de mademoiselle Georges, le télégraphe jouait sur la route du Nord.

Mais, on le sait, les actrices qui fuient le Théâtre-Français ont des ailes bien autrement rapides que celles du télégraphe, et jamais une seule n’a été rattrapée.

Mademoiselle Georges entrait donc à Kehl au moment où la nouvelle de sa fuite arrivait à Strasbourg.

C’était la première défection qu’éprouvât l’empereur Napoléon ; Hermione, l’ingrate Hermione passait à l’ennemi !

Mademoiselle Georges ne fit halte qu’à Vienne dans le salon de la princesse Bagration ; mais, comme nous étions en paix avec l’Autriche, l’ambassadeur de France s’émut, et réclama mademoiselle Georges ; c’était ce qu’on appelle, en termes diplomatiques, un casus belli, et mademoiselle Georges reçut l’invitation de continuer sa route.

Si le lecteur ne sait pas ce que c’est qu’un casus belli, il peut s’informer auprès de M. Thiers. Pendant ses deux ou trois ministères, M. Thiers a présenté aux puissances deux ou trois casus belli, auxquels les puissances n’ont pas fait la moindre attention, et qui, par conséquent, lui sont revenus tout neufs, et sans avoir servi.

Quatre jours après, la fugitive s’arrêtait chez le gouverneur de Vilna, où elle faisait sa seconde halte, au milieu des bravos de toutes les princesses polonaises, non-seulement de la Pologne, mais encore du monde entier.

On sait que rien n’est plus éparpillé sur le globe que les princesses polonaises, si ce n’est les princes russes.

Dix jours après, mademoiselle Georges était à Saint-Pétersbourg.

Après avoir débuté à Péterhof pour l’empereur Alexandre, pour ses frères Constantin, Nicolas et Michel, pour l’impéra-