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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/164

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Taylor avait fait, au Panorama Dramatique, Ismaël et Maryam, tout seul ; Bertram, en collaboration avec Nodier, et Ali-Pacha, en collaboration avec Pichat.

Pichat, jeune homme de vingt-huit ans, à cette époque, avait, depuis deux ou trois ans, un Léonidas reçu au Théâtre-Français.

Taylor tira Léonidas du Pandémonium où il se trouvait, et le mit en répétition.

Talma devait jouer le rôle de Léonidas ; — non point que Talma, cette suprême intelligence, se trompât sur la portée du rôle qui, dramatiquement parlant, était nulle ; mais, du côté plastique, il y avait quelque chose de nouveau à faire, et le pauvre Talma fut, jusqu’à sa mort, à la recherche de ce monde perdu que, moins heureux que Vasco de Gama, il ne parvint pas à retrouver.

D’ailleurs, pour jouer Léonidas, le moment était bien choisi : l’Europe tout entière avait les yeux fixés sur les successeurs des trois cents Spartiates.

Puis, disait-on d’avance, la pièce nouvelle allait être montée avec un luxe inaccoutumé et une mise en scène inouïe.

Je me rappelle la première représentation de cette tragédie de Léonidas, dans laquelle on sentait poindre des lueurs d’dées nouvelles, dans laquelle tous les mots historiques qui célébraient cette fameuse défense des Termopyles étaient heureusement encadrés, et admirablement dits par Talma, et où un hémistiche du jeune Agis remplaçait le récit obligé.

Agis, blessé, venait tomber en scène en disant :

Ils sont tous morts… je meurs !…

L’ouvrage eut un grand succès d’enthousiasme, à cause des circonstances dans lesquelles il était joué, — succès d’admiration pour Talma, qui semblait une statue antique descendue de sa base.

Après la représentation, la toile tombée, je vis passer à travers le corridor et le foyer, un groupe bruyant plein de joyeuses clameurs et de fraternelles félicitations. Un beau