Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
225
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


Dans nos salons, un fat parfumé d’ambre
De vingt beautés chasse à la fois les cœurs.
Un intrigant rampant dans l’antichambre
Chasse un cordon, un regard, des faveurs.
Sans consulter son miroir ni son âge,
Une coquette, à soixante et dix ans,
En minaudant, chasse encore l’hommage
Que l’on adresse à ses petits-enfants.
Un lourd journal que la haine dévore,
Toujours en vain chasse des souscripteurs ;
Et l’Opéra, sans en trouver encore,
Depuis longtemps chasse des spectateurs.
Un jeune auteur, amant de Melpomène,
Chasse la gloire et parvient à son but ;
Un autre croit, sans prendre autant de peine,
Qu’il lui suffit de chasser l’institut.
Pendant vingt ans, les drapeaux de la France
Sur l’univers flottèrent en vainqueurs,
Et l’étranger sait par expérience,
Si nos soldats sont tous de bons chasseurs…

Un seul instant examinez le monde,
Vous ne verrez que chasseurs ici-bas.
Autour de moi quand on chasse à la ronde,
Pourquoi donc, seul, ne chasserais-je pas ?

Restait donc, comme nous l’avons dit, la part de Rousseau à faire.

Nous nous mîmes à l’œuvre dès le lendemain soir ; seulement, comme, à cause du portefeuille, nous ne pouvions commencer qu’à neuf heures du soir, nous ne finissions guère qu’à une heure du matin. C’était moi qui, demeurant faubourg Saint-Denis, reconduisais Rousseau jusqu’à la rue Poissonnière. Mais, en sortant de nos mains, Rousseau était toujours à peu près sain de corps et d’esprit ; de manière que je n’eus point de dépense de lampions à faire.

La pièce finie, il s’agit de choisir le théâtre auquel on ferait cadeau du chef-d’œuvre. Je n’avais pas de préférence, et,