rite immense, sans doute, mais dont le génie n’admet point, comme le fait celui de Shakspeare, cet heureux mélange de naturel, de dramatique et de poésie qu’on trouve dans la plupart des œuvres du poëte anglais. — D’ailleurs, au Conservatoire, on ne se destine qu’à une seule branche de l’art, à la tragédie ou à la comédie ; jamais à la comédie et à la tragédie à la fois. Pourquoi encore ? Parce que, chez les maîtres qu’on étudie, — Molière, Corneille et Racine, — jamais on ne rencontre le mélange des deux genres. Cette exclusion de la comédie chez la tragédienne, ou de la tragédie chez la comédienne, est fatale ; elle rend la tragédienne roide dans la comédie, la comédienne maniérée dans la tragédie. Nous ne connaissons, avec notre théâtre du xviie et du xviiie siècle, que le réalisme des femmes de Molière, la rudesse des femmes de Corneille, l’emportement ou la douceur des femmes de Racine ; Agnès et Célimène, voilà pour Molière ; Émilie et Rodogune, voilà pour Corneille ; Hermione et Aricie, voilà pour Racine. Cherchez, dans tout cela, quelque chose qui ressemble aux scènes de la nourrice, du balcon et des tombeaux, réunies dans le seul rôle de Juliette, et vous chercherez vainement. Pour arriver au résultat où arrivent les Anglais, il faudrait ou que nous n’eussions pas de Conservatoire, — ce qui, à mon avis, serait un grand bonheur ! — ou que le Conservatoire admit, conjointement avec l’étude des maîtres français, l’étude des maîtres étrangers ou des auteurs contemporains dont les œuvres dramatiques contiennent ce triple élément : naturel, drame, poésie. Ce serait une chose bien simple que de décréter cela ; cela contrarierait, je le sais bien, M. Samson et M. Provost ; mais qu’importerait cette contrariété à un ministre de l’intérieur intelligent ? Cela, sans doute, ferait crier M. Viennet, M. Lebrun et M. Jay ; mais M. Viennet n’est plus membre de la chambre des députés ; M. Lebrun n’est plus membre de la chambre des pairs ; M. Jay n’est plus membre de la rédaction du Constitutionnel ; qu’importeraient leurs cris à un ministre de l’intérieur qui ne se soucierait pas d’être de l’Académie ? — Au premier abord, il semble que ce soit bien facile à trouver, cependant, un ministre de l’in-
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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS