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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/12

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

mes pas même l’idée de discuter la question. Nous lui fîmes dire que nous acceptions sa compagnie avec le plus grand plaisir ; que la dépense, ainsi qu’il le désirait, serait divisée par tiers, et qu’enfin, dès le lendemain, nous lui donnerions un programme de notre voyage, pour qu’il vît si notre itinéraire lui convenait.

Louët nous fit répondre que ce programme lui était tout à fait inutile ; qu’il n’avait aucun but arrêté ; que c’était nous, et non pas le voyage, qu’il recherchait, et que, du moment où il était riche de notre permission, il irait en Chine s’il nous plaisait d’y aller.

On ne pouvait être plus accommodant.

Louët fit, en effet, le voyage d’Italie avec nous, et se montra, pendant toute la route, excellent compagnon.

J’avais raconté cette histoire dans mes Impressions de voyage, me laissant aller à toute cette gaieté de narration qui m’est naturelle, lorsque, en 1838, je vis Jadin entrer chez moi.

— Vous ne savez pas quelle visite vous recevrez demain ? me demanda-t-il.

— Non.

— La visite de Louët.

— Ah bah ! Je n’avais pas revu Louët depuis mon retour d’Italie, c’est-à-dire depuis trois ans.

— Oui, continua Jadin, et je suis chargé de vous préparer à cette visite.

— Comment ! est-ce qu’il viendrait, par hasard, me demander satisfaction de ce que je l’ai mis dans mes Impressions de voyage ?

— Non pas, au contraire, il est très-satisfait d’y figurer, et il vient réclamer de vous un service.

— Ah ! il sera le bienvenu… Lequel ?

— Il se réserve de vous le dire lui-même.

— Bon ! Je l’attends.

Louët se présenta chez moi le lendemain. Il était toujours le même bon et naïf garçon ; seulement, il me paraissait avoir fait un grand pas dans l’art de la toilette.