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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/174

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Qu’était-ce que le général Dubourg ? Nul ne le savait. D’où sortait le général Dubourg ? De chez un fripier qui lui avait prêté, loué ou vendu son habit de général.

Les épaulettes manquaient ; c’était un accessoire assez important pour ne pas être négligé.

Charlet, l’acteur, alla prendre une paire d’épaulettes au magasin de costumes de l’Opéra-Comique, et les apporta au général.

Celui-ci était au complet : il se mit en route.

— Qu’est-ce que c’est que tout ce monde ? demanda Étienne à Charlet.

— C’est le cortège du général Dubourg, qui se rend à l’hôtel de ville.

— Mais qu’est-ce que le général Dubourg ?

— Le général Dubourg ? dit Charlet. C’est le général Dubourg, quoi !

En effet, l’explication était suffisante.

La veille, à la mairie des Petits-Pères, le général Dubourg s’était présenté devant Higonnet et Degousée.

— Messieurs, avait-il demandé, avez-vous besoin d’un général ?

— D’un général ? avait répondu Degousée. Dans les moments de révolution, il suffit d’un tailleur pour en faire un ; tant qu’il y aura des tailleurs, on ne manquera pas de généraux.

Le général avait retenu le mot ; seulement, au lieu d’un tailleur, il avait pris un fripier. C’était à la fois plus économique et plus expéditif.

Et puis, à un général de fortune, il fallait bien un habit de hasard !

On a vu que le général et l’habit s’en allaient l’un portant l’autre à l’hôtel de ville.

C’est le propre des cortèges de marcher lentement ; celui-ci ne dérogeait point aux habitudes. Étienne eut le temps d’aller remettre sa dépêche au National, et, en se pressant un peu, d’être de retour à l’hôtel de ville avant que le général Dubourg y eût fait son entrée.