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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/249

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Bon ! Et où est-il ?

— Me voici ! dit une voix.

Je me frottai les yeux, et je vis un homme de trente-cinq à quarante ans, sur un cheval ruisselant d’écume.

Je descendis.

— Pardon, monsieur, lui demandai-je, mais il paraît que vous désirez me parler ?

— Monsieur, me dit le cavalier avec une grande animation, vous m’avez insulté !

— Moi ?

— Oui, vous, monsieur ! et vous allez, j’espère, me rendre raison !

— Raison de quoi ?

— De ce que vous avez dit que j’étais soûl ou fou !

— Attendez donc, j’ai dit cela de quelqu’un, c’est vrai ; mais de qui donc l’ai-je dit ?

— Eh ! parbleu ! s’écria Hutin, vous l’avez dit de M. Mennesson !

— Vous voyez, monsieur, je ne l’ai pas soufflé à M. Hutin…

— Avez-vous un autre motif de me chercher querelle ?

— Aucun, monsieur.

— Dans ce cas, ce n’était guère la peine de me réveiller.

— Monsieur, je croyais…

— Le croyez-vous encore ?

— Non, puisqu’on me dit le contraire.

— Eh bien, alors ?

— Bon voyage, monsieur.

— Merci !

Et M. Boyer fit faire à son cheval un tête à la queue, et reprit au galop le chemin de Villers-Cotterets.

Bien souvent nous nous rencontrâmes depuis, et nous rîmes du malentendu.

Mais, pour le moment, j’avais autre chose à faire que de rire. Je laissai à Bard la garde de la poudre, je remontai dans le cabriolet, je chargeai Hutin de payer les relais, je me rendormis, et ne me réveillai que dans le cour du maître de poste du Bourget.