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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/185

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Oui.

— Et-où cela ?

— Au théâtre de la Porte-Saint-Martin… Adieu, madame ! Au revoir, Firmin !

Et je sortis, emportant mon manuscrit.

En descendant l’escalier qui conduit du théâtre dans l’orchestre, je tournai la tête, et je vis mademoiselle Mars et Firmin qui se rapprochaient l’un de l’autre en s’interrogeant des yeux et en faisant de grands bras.

Je regrette de ne pouvoir transmettre à la postérité la conversation qui s’ensuivit.

Je courus du même pas chez Dorval ; elle demeurait alors boulevard Saint-Martin, dans une maison ayant une sortie sur la rue Meslay.

Par chance, elle était toute seule.

On m’annonça ; elle fit répéter deux fois mon nom.

— Eh bien, oui, criai-je de la salle à manger, c’est moi ! Après ?… Est-ce que je suis consigné à la porte, par hasard ?

— Ah ! tu es gentil ! me dit-elle avec cet accent traînard qui avait quelquefois dans sa bouche un si grand charme ; il y a six mois qu’on ne t’a vu !

— Que veux-tu, ma chère ! dis-je en entrant et en lui jetant les bras autour du cou, j’ai fait, depuis ce temps-là, un enfant et une révolution, sans compter que j’ai manqué deux fois d’être fusillé… Eh bien, voilà comme tu embrasses les revenants, toi ?

— Je ne peux pas t’embrasser autrement, mon bon chien.

C’était le nom d’amitié, je dirai même d’amour, que Dorval m’avait donné. Et son bon chien lui a été fidèle, jusqu’à la fin, pauvre Dorval !

— Et pourquoi ne peux-tu m’embrasser ? lui demandai-je.

— Je suis comme, Marion Delorme : je me refais une virginité.

— Impossible ?

— Parole d’honneur ! je redeviens sage.

— Ah ! ma chère, je parlais d’une révolution que j’avais faite : en voilà une seconde. Qui, diable a fait celle-là ?