Jacqueminot partit.
— Puis il faudrait aussi des espions, dit Pajol ; qui se charge de me trouver des espions ?
— Moi, dit Charras.
— Ah çà ! mais vous vous chargez donc de tout trouver ? dit Pajol.
— Eh ! sacrebleu ! dit Charras, il faut bien que je m’utilise.
— Et où allez-vous me trouver cela ?
— À Versailles.
— Vous y connaissez quelqu’un ?
— Personne… Mais ne vous inquiétez pas de cela.
— Je vais avec toi, dit Bernadou.
— Viens.
Les deux jeunes gens s’éloignèrent de toute la vitesse de leurs chevaux.
Ils arrivèrent à la mairie de Versailles enragés de soif. On avait eu l’idée de défoncer dans la cour, en plein soleil, une douzaine de tonneaux de bière ; ils essayèrent de boire, et se crurent empoisonnés.
Un monsieur en bourgeois, représentant le maire, était là, suant comme un bœuf ; — au reste, maire, adjoints, conseillers municipaux, tout le monde fondait en eau.
— Allons, vite, dit Charras : des espions, des chevaux, une voiture !
— Plaît-il ? demanda le bourgeois suant.
— Vous n’entendez pas ?… Je vous demande des espions, des chevaux et une voiture !
— Et où voulez-vous que je vous trouve cela ? reprit le bourgeois suant de plus en plus.
— Cela ne me regarde pas… Trouvez-les, il me les faut. Voilà tout ce que j’ai à vous dire, moi.
— Mais, enfin, monsieur, qui êtes-vous, vous ?
— Je suis M. Charras, premier aide de camp du général Pajol, commandant en chef l’armée expéditionnaire de l’Ouest.
Charras avait, en courant, inventé cette phrase ; et, la jugeant passablement ronflante, il l’avait adoptée vis-à-vis du bourgeois.