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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/123

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

mer une passion adultère, à devenir, enfin, des Adèle et des Antony, avec cette perspective d’avoir pour dénoûment à leur passion, pour conclusion à leur roman, la femme, la mort ! le jeune homme, les galères ?

On me répondra que ce qu’il y a de dangereux dans l’ouvrage, c’est la forme ; qu’Antony fait aimer le meurtre, et Adèle excuser l’adultère.

Que voulez-vous ! je ne pouvais pas faire mes deux amants hideux de caractère, difformes de visage, révoltants de manières. Des amours entre Quasimodo et Locuste n’iraient pas à la troisième scène !

D’ailleurs, prenons Molière.

Est-ce qu’Angélique ne trahit pas Georges Dandin le plus gracieusement du monde ? Est-ce que Valère ne vole pas son père de la plus charmante façon ? Est-ce que don Juan ne trompe pas doña Elvire avec le plus séduisant langage ?

Eh ! mon Dieu, Molière savait aussi bien que les modernes ce que c’était que l’adultère ! Il en est mort.

Qui brisa ce cœur, ce cœur qui a cessé de battre à l’âge de cinquante-trois ans ? Les sourires de la Béjart au jeune Baron, les œillades de la Béjart à M. de Lauzun, une lettre adressée par la Béjart à un troisième amant, et trouvée le matin de cette fatale représentation du Malade imaginaire, que Molière put à peine achever !

Il est vrai que, du temps de Molière, cela s’appelait le cocuage, et qu’on en riait ; que, de nos jours, cela s’appelle l’adultère, et qu’on en pleure.

Pourquoi donc ce qui s’appelait cocuage, au xviie siècle, s’appelle-t-il adultère au xixe ?

Je vais vous le dire.

C’est qu’au xviie siècle, le code civil n’était point inventé.

Le code civil ? Bon ! que vient faire ici le code civil ?

Ce qu’il vient y faire, vous allez le voir.

Au xviie siècle, on avait le droit d’aînesse, les majorats, les fidéicommis, les substitutions ; au xviie siècle, l’aîné des fils héritant du nom, du titre et de la fortune, les autres fils étaient M. le chevalier, M. le mousquetaire, M. l’abbé.