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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/125

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

avant nous, ne parlent pas comme nous, ne sont pas vêtus comme nous ; qu’ils portent des hauts-de-chausses, des justaucorps, des manteaux, des chapeaux à plumes ; qu’on ne se reconnaît pas en eux.

Mais, le jour où il arrive qu’un auteur moderne, plus hardi que les autres, va prendre les mœurs où elles sont, la passion où elle se trouve, le crime où il se cache, et, mœurs, passion, crime, force tout cela de se produire sur la scène en cravate blanche, en habits noir, en pantalon à sous-pieds et en bottes vernies, ouais ! chacun se reconnaît comme dans un miroir, et grimace alors : au lieu de rire, attaque au lieu d’approuver, gronde au lieu d’applaudir.

Si j’avais mis à Adèle une robe du temps de Louis d’Orléans, eussé-je fait de l’adultère entre beau-frère et belle-sœur, personne n’eût rien dit.

Quel critique s’avise de trouver immoral Œdipe, qui tue son père, qui épouse sa mère, qui lui fait des enfants, — lesquels sont à la fois ses fils, ses petits-fils et ses frères, — et qui finit par se crever les yeux pour se punir ; chose fort inutile, puisque tout cela est l’œuvre de la fatalité ?

Aucun !

Mais qui diable aussi serait assez niais pour se reconnaître sous le manteau grec et la tunique thébaine ?

Je voudrais bien avoir là le jugement de quelques-uns des moralistes de la presse sur Antony ; celui de M. ***, par exemple, qui, à cette époque, vivait publiquement avec madame… bon ! qu’allais-je dire ? — je le mettrais sous les yeux de mes lecteurs, et cette exhibition ne manquerait pas d’intérêt.

Je ne trouve qu’un article à ma portée ; il est vrai que je suis à Bruxelles, et que j’écris ces lignes à plus de deux heures du matin.

Cet article, je l’exhume d’un livre bien honnête et bien innocent : de l’Annuaire historique et universel de M. Charles-Louis Lesur.

Voici ledit article ; c’est un des moins acharnés :