Amis, n’était pas plus préoccupé ni plus heureux que moi. Ce que voyant nos matelots, ils nous annoncèrent qu’ils allaient porter nos malles à l’auberge et y annoncer notre venue.
— À l’auberge ! mais à laquelle ? demandai-je.
— Il n’y a pas à se tromper, répondit le loustic de la troupe, il n’y en a qu’une.
— À quelle enseigne ?
— Elle n’a pas d’enseigne. Vous demanderez la mère Oseraie ; le premier venu vous indiquera sa maison.
Ce renseignement nous rassura, et nous n’hésitâmes plus à flâner en toute conscience sur la plage de Trouville.
Une heure après, des flots de sable traversés, deux ou trois indications demandées en français et répondues en trouvillois, nous arrivâmes à aborder à notre auberge.
Une femme d’une quarantaine d’années, grasse, propre, avenante, le sourire narquois du paysan normand sur les lèvres, vint au-devant de nous.
C’était la mère Oseraie, laquelle ne se doutait peut-être pas de la célébrité que devait lui donner, un jour, le Parisien qu’elle recevait d’un air presque goguenard. Pauvre mère Oseraie ! si elle s’en fût doutée, peut-être m’eût-elle traité comme Platon, dans sa République conseille de traiter les poëtes : couronnés de fleurs et mis à la porte ! Tout au contraire, elle s’avança à ma rencontre, et, après m’avoir regardé avec curiosité, des pieds à la tête :
— Bon ! c’est vous ? dit-elle.
— Comment, c’est moi ? lui demandai-je.
— Oui, puisqu’on a apporté vos paquets et retenu deux chambres.
— Ah ! bien, je comprends.
— Pourquoi deux chambres ?
— Une pour moi, une pour madame.
— Ah ! c’est que, chez nous, quand on est marié, on couche ensemble.
— D’abord, qui vous dit que madame et moi soyons mariés ?… Et puis, quand nous le serions, je suis de l’avis d’un de mes amis qu’on appelle Alphonse Karr !