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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/184

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, que dit-il, voire ami qu’on appelle Alphonse Karr ?

— Il dit qu’au bout d’un certain temps, quand un homme et une femme n’ont qu’une chambre, ils cessent d’être amant et maîtresse, et deviennent mâle et femelle ; voilà ce qu’il dit.

— Ah !… je ne comprends pas… Enfin, n’importe ! vous voulez deux chambres ?

— Parfaitement.

— Eh bien, vous les aurez ; mais j’aurais mieux aimé que vous n’en prissiez qu’une.

le n’affirmerais pas qu’elle dit prissiez, mais le lecteur me pardonnera d’ajouter cet enjolivement à notre dialogue.

— Bon ! je vous vois venir, répondis-je ; vous nous l’eussiez fait payer comme deux, et vous en eussiez eu une de plus à louer aux voyageurs

— Justement !… Tiens, vous n’êtes pas encore trop bête pour un Parisien, vous !

Je saluai la mère Oseraie.

— Je ne suis pas tout à fait de Paris, lui dis-je ; mais ça ne fait rien.

— Ainsi, vous voulez les deux chambres ?

— J’y tiens.

— Je vous préviens qu’elles donnent l’une dans l’autre.

— À merveille !

— On va vous y conduire.

Elle appela une belle grosse fille au nez, aux yeux et aux jupes retroussés.

— Conduisez madame à sa chambre, dis-je à la servante ; moi, je reste à causer avec la mère Oseraie.

— Pourquoi ça ?

— Parce que je trouve votre conversation agréable.

— Farceur !

— Et puis je désire savoir un peu ce que vous me prendrez par jour.

— Et la nuit, ça ne compte donc pas ?

— Par jour et par nuit.