Déjà, en province, de petites tentatives légitimistes avaient eu lieu. À Rodez, on avait arraché, pendant la nuit, l’arbre de la liberté ; à Collioure, on avait arboré le drapeau blanc ; à Nîmes, les verdets semblaient ressuscités, et, comme ces fantômes qui reviennent de l’autre monde pour rouer de coups leurs ennemis, ils avaient, disait-on, battu des gardes nationaux qu’on avait retrouvés presque assommés, et qui ne pouvaient donner que de vagues renseignements sur leurs assommeurs.
On en était donc là, le 12 février. La triple émanation républicaine, carliste et napoléonienne passait dans l’air comme une bouffée d’orage au milieu de laquelle s’élançaient les cris discordants d’un carnaval effréné, lorsque, tout à coup, on apprit que, le surlendemain, un service anniversaire allait être célébré à Saint-Roch, en expiation de l’assassinat de la place Louvois.
Un assassinat politique est une si odieuse chose aux yeux de tous les partis, qu’il devrait toujours être permis de dire des messes expiatoires pour les assassinés ; mais il y a des temps de fièvre où les actions les plus simples prennent les proportions gigantesques de la menace ou du mépris.
Cette messe expiatoire était à la fois, dans les circonstances où l’on se trouvait, une menace et un défi.
On se trompait seulement sur le lieu où la messe devait être dite.
Saint-Roch, autant que je puis m’en souvenir, était desservi à cette époque par l’abbé Olivier, beau et spirituel prêtre adoré de ses ouailles, qui sont à peine consolées aujourd’hui de le voir évêque d’Évreux. Je connaissais l’abbé Olivier ; il m’aimait, et j’espère qu’il m’aime encore ; je le vénérais et le vénère toujours. — Cela soit dit en passant, et pour lui donner des nouvelles d’un de ses pénitents, au cas extrêmement improbable où ces Mémoires lui tomberaient sous la main. D’ailleurs, j’aurai encore, dans deux ou trois circonstances, à parler de lui.
L’abbé Olivier était très-dévoué à la reine ; mieux que personne, il avait pu apprécier la bienfaisance, la piété, l’humi-