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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/105

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

août 1852, et qui s’appelaient Tony Johannot et Alfred d’Orsay, s’il leur était permis de me le dire.

Quelle sera donc l’expression assez poétiquement désolée pour rendre ce qui se passe dans le cœur, quand, le matin, au réveil, on reçoit deux lettres pareilles à celle-ci :

« Mon cher père,

» Comprends-tu quelque chose de pareil à ce qui arrive ? Je me présente aujourd’hui, avec ta lettre, chez Tony Johannot, pour lui demander s’il peut se charger des vignettes d’Isaac Laquedem, et l’on me répond : « Monsieur, il vient de mourir ! »

» Tony Johannot mort !

» Je l’avais rencontré avant-hier, et nous avions pris rendez-vous pour aujourd’hui.

» Mort ! je trouve que cette syllabe isolée ressemble au tintement du battant sur la cloche.

» Elle éveille la même vibration dans le cœur.

» Mort ! Tony Johannot est mort !

» Si l’on meurt ainsi, on n’osera plus quitter ceux que l’on aime.

» Reviens vite à Paris, ou je pars pour Bruxelles.

» À toi,
» Alex. Dumas fils. »

« Mon cher Dumas,

» Notre bien-aimé Alfred d’Orsay est mort ce matin, à quatre heures, entre mes bras, en riant, en causant, en faisant des projets, et sans se douter qu’il allait mourir.

» Un des derniers noms qu’il a prononcés est le vôtre, car un de ses derniers projets était de renouveler le bail de votre chasse, où il s’est tant amusé l’année dernière.

» La cérémonie mortuaire aura lieu après-demain, à Chambourcy. Si ma lettre arrive à temps, venez ! cela sera une