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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ceau, les Fables de la Fontaine, les Animaux peints par eux-mêmes, les Étoiles, les Fleurs animées. Puis, au milieu de toutes ces gaietés échappées à son crayon et à sa plume, les douleurs les plus profondes, les tristesses les plus amères : sa femme meurt, ses trois enfants meurent les uns après les autres !

Le dernier mort, il tombe malade lui-même.

On eût dit que la voix de ces quatre bien-aimés l’appelait à eux.

Ses conversations alors changent de caractère : elles s’élèvent ; plus de rires d’atelier, plus de plaisanteries juvéniles. Il parle de cette vie future vers laquelle il marche, de cette immortalité de l’âme dont il va savoir le secret ; c’est dans l’éther le plus pur qu’il plane, c’est sur les nuages les plus transparents qu’il flotte.

Le 14 mars 1847, il devient fou ; trois jours après, il meurt dans la maison du docteur Voisin, à Vanvres.

Il est enterré à Saint-Mandé, près de sa femme et de ses trois enfants, et, si les morts sont encore doués de quelque sympathie, il n’a que le bras à étendre pour donner la main à Carrel !

CCXXVIII

Tony Johannot.

Granville disparut. — Remontait-il au ciel sur le rayon d’une de ces étoiles dont il s’est fait le courtisan, en leur donnant des visages de femme ? allait-il, couché dans la tombe, écouter, pendant le sommeil de la mort, pousser ces femmes à qui il avait donné des tiges de fleur ?

Oh ! cela est le grand secret que la tombe garde mystérieusement, que la mort ne peut dire à la vie, qu’Hamlet a demandé inutilement à la tête d’Yorick, au fantôme de son père, à la chanson interrompue d’Ophélia !

C’est ce que me diraient bien certainement ces deux chers et bons amis à moi, morts le même jour, c’est-à-dire le 4