Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce luxe presque inexplicable de palais, que le voyageur trouve éparpillés sur sa route avec la même profusion que les bastides des environs de Marseille. Les lois somptuaires de la république, qui défendaient de donner des fêtes, de s’habiller de velours et de brocard, et de porter des diamans, ne s’étendaient point au delà des murailles de la capitale : c’était donc à la campagne que s’était réfugié le luxe de ces turbulens et orgueilleux républicains.

La première chose que nous aperçûmes en arrivant à Gênes, et en traversant, pour nous rendre à notre hôtel, la Porta di Vacca, qui est située près de la Darse, c’est un fragment des chaînes du port de Pise, rompues par les Génois en 1290. Depuis 600 ans, ce témoignage de la haine des deux peuples, haine que leur chute commune n’a pu éteindre, est étalé à la vue de tous. Ce fut Conrad Doria, sorti de Gênes avec 40 galères, « qui, secondé de ceux de Lucques, dit l’historien Accinelli, attaqua Porto Pisano, le pilla, et se tournant ensuite contre Livourne, en détruisit les fortifications et la ville, à l’exception de l’église Saint-Jean. »

Ce n’est pas la seule preuve de haine que les Génois aient donnée aux autres peuples de la péninsule. En 1262, l’empereur grec ayant abandonné aux Génois un château qui appartenait aux Vénitiens, les Génois, en haine de ceux-ci, dont ils avaient reçu je ne sais quelle insulte, démolirent le château, en transportèrent les pierres sur leurs navires, ramenèrent ces pierres à Gênes, et en bâtirent l’édifice connu autrefois sous le nom de Banque de Saint-George, et aujourd’hui sous celui de la Douane. Ce monument de vengeance renferme un monument d’orgueil, c’est le griffon Génois, étouffant dans ses serres l’aigle impériale et le renard Pisan, avec cette inscription :

Griphus ut has angit,
Sic hostes Genua frangit.

Si l’on monte à la Douane, on y trouvera les anciennes bouches de dénonciation qui, dans les dernières révolutions, à ce qu’on assure, ne sont pas toujours restées vides.

Notre hôtel était tout près de la Darse ; tandis qu’on nous