Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/109

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qu’un tambour qui était de garde au palais, ayant par hasard posé sa caisse à terre, remarqua qu’elle frémissait comme il arrive lorsqu’on creuse quelque mine : il appela aussitôt son officier qui prévint le doge. On contremina, et l’on trouva les travailleurs. La galerie souterraine conduisait droit à la maison du marquis Raggio ; il n’y avait donc point à nier. D’ailleurs le coupable était trop fier pour en avoir même l’idée : il avoua tout et fut condamné à mort.

Au moment où il marchait au supplice, et comme il était, arrivé à moitié chemin du castellaccio où il devait être exécuté, il demanda comme grâce suprême de mourir en tenant à la main un crucifix rapporté, dit-il, par un de ses ancêtres de la Terre-Sainte, et dans lequel il avait une grande foi.

À cette époque de croyance, on trouva la demande toute simple, et on se hâta de l’accorder au condamné ; un prêtre fut en conséquence dépêché au palais Raggio, et le cortège funèbre fit halte pour l’attendre. Au bout d’un quart d’heure le prêtre revint apportant le crucifix.

Le marquis baisa avec amour les pieds du Christ, puis tirant la partie supérieure du crucifix, qui n’était autre que la garde d’un poignard dont la lame rentrait dans la gaine, il se l’enfonça tout entière dans la poitrine, et mourut du coup.

De San-Donato nous allâmes visiter le pont Carignan ; c’est une curieuse bâtisse destinée, non pas à conduire d’un bord à l’autre d’une rivière, mais à joindre deux montagnes ; il se compose de sept arches, dont les trois du milieu ont, je crois, quatre-vingts pieds de hauteur ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il passe au-dessus de plusieurs maisons à six étages. C’est une promenade fort fréquente dans les chaudes soirées d’été, attendu qu’à cet hauteur on est toujours à peu près sûr de trouver de l’air.

Le pont de Carignan conduit à l’église du même nom ; bijou du seizième siècle, bâti par le marquis de Sauli, sur les dessins de Galeas Alessio. Voici à quel événement cette église, l’une des plus belles de Gênes, doit son existence.

Le marquis de Sauli, l’un des hommes les plus riches et des plus probes de Gênes, avait plusieurs palais dans la ville, et un entre autres qu’il habitait de préférence et qui