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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/110

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était situé sur l’emplacement même où s’élève aujourd’hui l’église de Carignan. Comme il n’avait point de chapelle à lui, il avait l’habitude d’aller entendre la messe dans celle de Santa-Maria-in-Via-Lata, qui appartenait à la famille Fiesque. Un jour, Fiesque fit hâter l’heure de l’office, de sorte que le marquis de Sauli arriva quand il était fini. La première fois qu’il rencontra son élégant voisin, il s’en plaignit à lui en riant.

— Mon cher marquis, lui dit Fiesque, quand on veut aller a la messe, on a une chapelle à soi.

Le marquis de Sauli fit jeter bas son palais, et fit élever à la place l’église de Sainte-Marie-de-Carignan.

Une partie de ces beaux palais qui feraient honneur à des princes, et de ces belles églises qui sont dignes de servir de demeure à Dieu, a été bâtie par de simples particuliers. Le secret de ces fondations, dans lesquelles des millions ont été enfouis, est toujours dans ces lois somptuaires du moyen-âge qui défendaient le jeu, les fêtes, les diamans, les étoffes de velours et de brocard. Alors tous les aventureux commerçans qui, pendant vingt ans, avaient sillonné la mer en tous sens, et qui avaient amassé chez eux ces richesses des trois mondes, se trouvaient en face de monceaux d’or, dont il fallait bien faire quelque chose. Ils en faisaient des églises et des palais.

L’église Saint-Laurent est la première en date sur le catalogue des curiosités de Gênes. Néanmoins, comme nous marchions devant nous sans suivre aucun ordre ni chronologique, ni aristocratique, nous la visitâmes une des dernières. C’est une belle fabrique du onzième siècle, toute revêtue de marbre blanc et noir, comme le sont la plupart des églises d’Italie, mais qui a sur beaucoup d’autres l’avantage d’être achevée. Entre autres choses curieuses, l’église de Saint-Laurent renferme le fameux plat d’émeraude sur lequel Jésus-Christ fit, dit-on, la Cène, et qui avait été donné à Salomon par la reine de Saba. Il était gardé à Jérusalem dans le trésor du temple, et il est connu sous le nom de Sacro-Cattino. Que l’on discute ou non l’antiquité de l’origine, la sainteté de l’usage et la richesse de la matière, la manière dont il tomba entre les mains des Génois n’en est