Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vrent sur chacune de ses rues. — Gênes n’est plus marquise, Gênes n’a plus de doge, Gênes n’a plus de griffon qui étouffe dans ses serres l’aigle impériale et le renard pisan. — Gênes a un roi ; elle est tout bonnement la seconde ville du royaume.

La force n’est bien souvent autre chose que la foi. Peut-être Gênes serait-elle encore libre, si elle croyait toujours que le Sacro-Cattino est une émeraude.

Nous revînmes à notre hôtel par le Port-Franc, espèce de ville à part dans la ville, avec ses institutions, ses lois, et sa population à elle. Cette population, toute bergamasque, fut fondée en 1340 par la banque de Saint-Georges, qui, sous le nom arabe de Caravane, fit venir douze portefaix de la vallée de Brembana. Ces douze portefaix avaient leurs femmes qui venaient accoucher au Port-Franc, ou qui retournaient accoucher aux villages de Piazza et de Zugno, pour donner à leurs enfans le privilège de succéder à leurs pères. La compagnie s’est ainsi perpétuée depuis cinq cents ans, s’élevant jusqu’au nombre de deux cents membres, et se laissait de père en fils de telles traditions de probité, que jamais, de mémoire de police, une seule plainte n’a été portée contre un portefaix bergamasque. Les Caravanas sans enfans peuvent vendre leurs charges à leurs compatriotes ; il y a de ces charges qui valent jusqu’à dix et douze mille francs.

Pendant toute notre course et à chaque coin de rue nous avions trouvé des affiches annonçant en grande pompe la représentation, au théâtre Diurne, de la Mort de Marie Stuart, avec costumes nouveaux. Nous n’eûmes garde, comme on le comprend bien, de manquer une si belle occasion : nous nous donnâmes un coup de brosse, et nous nous rendîmes au bureau, qui s’ouvrait à deux heures et demie.

Le théâtre Diurne est une tradition des cirques antiques comme les spectateurs grecs ou romains, les spectateurs modernes sont assis sur des gradins circulaires, à peu près comme chez Franconi. La seule différence, c’est que l’édifice n’a d’autre voûte que la coupole du ciel : il en résulte que, comme il est bâti dans un quartier assez fréquenté, au milieu de charmantes villas, et ombragé par des peupliers et