Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/112

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matière, « afin, disait cette loi, d’empêcher les curieux et les incrédules de faire un examen pendant lequel le Cattino pourrait souffrir quelque atteinte ou même être cassé, ce qui serait une perte irréparable pour la république. » Malgré cette loi, monsieur de la Condamine, qui avait cru remarquer dans le Sacra-Cattino des bulles pareilles à celles qui se trouvent dans le verre fondu, cacha un diamant sous la manche de son habit, afin d’éprouver sa dureté : le diamant devant mordre dessus s’il était de verre, et demeurer impuissant s’il était d’émeraude. Heureusement pour monsieur de la Condamine, qui, peut-être, au reste, ignorait cette loi, le prêtre s’aperçut à temps de son intention et releva le Sacro-Cattino, au moment même où l’indiscret visiteur tirait son diamant. Le moine en fut quitte pour la peur, et monsieur de la Condamine resta dans le doute.

Les juifs de Gênes étaient moins incrédules que le savant français, car ils prêtèrent pendant le siège quatre millions sur ce gage. Les quatre millions furent probablement remboursés, car le Sacro-Cattino fut transporté à Paris en 1809, et y resta jusqu’en 1815, époque à laquelle il fut rendu à la ville, avec les différens objets d’art que nous lui avions empruntés en même temps que lui. Le voyage fut fatal à la sainte relique, car elle fut brisée entre Gênes et Turin, et un morceau même en fut perdu ; de sorte qu’aujourd’hui le Sacro-Cattino est non-seulement privé de ses honneurs, de ses gardes et de son mystère, mais encore il est ébréché, comme une simple assiette de porcelaine.

Jadin demanda la permission d’en faire un dessin, permission qui lui fut accordée sans aucune difficulté. Il résulte de tout cela que Gênes ne croit plus que le Sacro-Cattino soit une émeraude.

— Gênes ne croit plus que cette émeraude ait été donnée par la reine de Saba à Salomon ; — Gênes ne croit plus que dans cette émeraude Jésus-Christ ait mangé l’agneau pascal. Si aujourd’hui Gênes reprenait Césarée, Gênes demanderait sa part du butin, et laisserait aux Pisans le Sacro-Cattino, qui n’est que de verre.

Mais aussi Gênes n’est plus libre, Gênes a une citadelle toute hérissée de canons dont les bouches verdâtres s’ou-