Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/135

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plaça sur son chemin : douleurs, remords, serment, tout fut alors oublié.

Elle avait pour confesseur un capucin adroit et intrigant comme un jésuite : elle le donna au prince. Le prince lui confia ses remords ; le capucin lui dit que le seul moyen de les calmer était d’épouser Bianca. Le grand-duc y avait déjà pensé. Son père, Cosme-le-Grand, lui avait donné le même exemple, en épousant dans sa vieillesse Camilla Martelli. On avait fort crié quand ce mariage avait en lieu, mais enfin on avait fini par se taire. Francesco pensa qu’il en serait pour lui comme il en avait été pour Cosme ; et, toujours poussé par le capucin, il se décida enfin à mettre d’accord sa conscience et ses désirs.

Depuis longtemps les courtisans, qui avaient vu que le vent soufflait de ce côté, avaient parlé devant le grand-duc de ces sortes d’unions comme des choses les plus simples, et avaient cité tous les exemples que leur mémoire avait pu leur fournir de princes choisissant leur femme dans une famille non princière. Une dernière flatterie décida Francesco : Venise, qui, dans ce moment, avait besoin de Florence, déclara Bianca Capello fille de la république ; si bien que, tandis que le cardinal Ferdinand, qui se doutait des résolutions de son frère, lui cherchait une femme dans toutes les cours de l’Europe, celui-ci épousait secrètement la Bianca dans la chapelle du palais Pitti.

Il avait été arrêté que le mariage resterait secret, mais ce n’était point l’affaire de la grande-duchesse ; elle n’était pas arrivée si haut pour s’arrêter en chemin, et six mois ne s’étaient pas passés, qu’en public comme en secret, sur le trône comme dans le lit, elle avait repris la place de la pauvre Jeanne d’Autriche.

Ce fut vers cette époque que Montaigne, dissuadé par un Allemand qui avait été volé à Spolette de se rendre à Rome par la marche d’Ancône, prit la route de Florence et fut admis à la table de Bianca.

« Cette duchesse, dit-il, est belle à l’opinion italienne, un visage agréable et impérieux, le corsage droit et les tétins à souhait ; elle me sembla bien avoir la suffisance d’avoir enjôlé ce prince et de le tenir à sa dévotion depuis longtemps.