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Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/171

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ment les pauvres diables ne meurent pas à la peine ; c’est un véritable métier de pendu.

Il y a à Florence non-seulement un homme politique très-fort, mais encore un homme du monde de beaucoup d’esprit, et que Napoléon appelait un géant dans un entresol : c’est M. le comte de Fossombroni, ministre des affaires étrangères et secrétaire d’État. Chaque fois qu’on le presse d’adopter quelque innovation industrielle, ou de faire quelque changement politique, il se contente de sourire et répond tranquillement : Il mondo va da se ; c’est-à-dire : Le monde va de lui-même.

Et il a bien raison pour son monde à lui, car son monde à lui, c’est la Toscane, la Toscane où le seul homme de progrès est le grand-duc. Aussi l’opposition que fait le peuple est-elle une opposition étrange par le temps qui court. Il trouve son souverain trop libéral pour lui, et il réagit toujours contre les innovations que dans sa philanthropie héréditaire il songe sans cesse à établir.

À Florence, en effet, toutes les améliorations sociales viennent du trône. Le dessèchement des maremmes, l’opération du cadastre, le nouveau système hypothécaire, les congrès scientifiques, et la réforme judiciaire, sont des idées qui émanent de lui, et que l’apathie populaire, et la routine démocratique, lui ont donné grand peine à exécuter. Dernièrement encore, il avait voulu régler les études universitaires sur le mode français, qu’il avait reconnu comme fort supérieur au mode usité en Toscane.

Les écoliers refusèrent de suivre les cours des nouveaux maîtres, et ils tirèrent si bien à eux, que l’enseignement retomba dans son ornière.

Florence est l’Eldorado de la liberté individuelle. Dans tous les pays du monde, même dans la république des États-Unis, même dans la république helvétique, même dans la république de Saint-Marin, les horloges sont soumises à une espèce de tyrannie qui les force de battre à peu près en même temps. À Florence, il n’en est pas ainsi ; elles sonnent la même heure pendant vingt minutes. Un étranger s’en plaignit à un Florentin : Eh ! lui répondit l’impassible Toscan, que diable avez-vous besoin de savoir l’heure qu’il est ?

Il résulte de cette apathie, ou plutôt de cette facilité de