Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/198

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lées par ceux qui ont fait la loi, car votre lettre, plus sagement conçue, ne contenait rien de ces choses.

« Voilà donc la glorieuse manière dont Dante Alighieri doit rentrer dans sa patrie après un exil de quinze ans ! Voilà la réparation accordée à une innocence manifeste à tout le monde ! Mes larges sueurs, mes longues fatigues m’auront rapporté ce salaire ! Loin d’un philosophe cette bassesse digne d’un cœur de boue ! Merci du spectacle où je serais offert au peuple comme le serait quelque misérable demi savant, sans cœur et sans renommée. Que, moi… exilé d’honneur, j’aille me faire tributaire de ceux qui m’offensent, comme s’ils avaient bien mérité de moi ! Ce n’est point là le chemin de la patrie, ô père ! mais s’il en est quelque autre qui me soit ouvert par vous et qui n’ôte point la renommée à Dante, je l’accepte. Indiquez-le moi, et alors, soyez-en certain, chaque pas sera rapide qui devra me rapprocher de Florence ; mais dès qu’on ne rentre pas à Florence par la rue de l’honneur, mieux vaut n’y pas rentrer. Le soleil et les étoiles se voient par toute la terre, et par toute la terre on peut méditer les vérités du ciel. »

Dante, proscrit par les Guelfes, s’était fait Gibelin, et devint aussi ardent dans sa nouvelle religion qu’il avait été loyal dans l’ancienne. Sans doute il croyait que l’unité impériale était le seul moyen de grandeur pour l’Italie, et cependant Pise avait bâti sous ses yeux son Campo-Santo, son Dôme et sa Tour penchée. Arnolfo di Lapo avait jeté sur la place du Dôme les fondemens de Sainte-Marie-des-Fleurs ; Sienne avait élevé sa cathédrale au clocher rouge et noir, et y avait renfermé, comme un bijou dans un écrin, la chaire sculptée par Nicolas de Pise. Puis peut-être aussi le caractère aventureux des chevaliers et des seigneurs allemands lui semblait-il plus poétique que l’habileté commerçante de l’aristocratie génoise et vénitienne, et la fin de l’empereur Albert lui plaisait-elle davantage que la mort de Boniface XIII.

Lassé de la vie qu’il menait chez Cane dalla Scala, où l’amitié du maître ne le protégeait pas toujours contre l’insolence de ses courtisans et les facéties de ses bouffons, le poëte reprit sa vie errante. Il avait achevé son poème de