Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/216

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courage. Alors Jacob, malgré son grand âge, avait tenté de remplacer son neveu ; il était monté à cheval, et, à la tête d’une centaine d’hommes qu’il avait réunis dans sa maison, il parcourait les rues de la ville en criant : Liberté ! liberté ! Mais c’était un cri que déjà Florence ne comprenait plus. Une partie des citoyens, qui ignorait encore ce qui s’était passé, sortaient sur leurs portes, et le regardaient en silence et avec étonnement ; ceux qui connaissaient le crime grondaient sourdement en le menaçant du geste, et en cherchant une arme pour joindre l’effet à la menace. Jacob vit ce que les conjurés voient toujours trop tard ; c’est que les maîtres ne viennent que lorsque les peuples veulent être esclaves. Il comprit alors qu’il n’avait pas une minute à perdre pour pourvoir à sa sûreté, et fit volte-face avec sa troupe, gagna une des portes de la ville, et prit la route de la Romagne.

Laurent se retira chez lui, et, sous le prétexte qu’il pleurait son frère, il laissa faire ses amis.

Laurent avait raison ; il était dépopularisé pour le reste de sa vie, s’il s’était vengé comme on le vengeait.

Le jeune cardinal Riavio, qui ignorait, non pas le complot, mais la manière dont il devait s’accomplir, s’était mis à l’instant même sous la garde des prêtres qui l’emmenèrent dans une sacristie voisine de celle où s’était réfugié Laurent. L’archevêque Salviati, son frère, son cousin, et Jacques Bracciolini, arrêtés par César Petrucci dans le palais même de la seigneurie, furent pendus, les uns à la Ringhiera, les autres aux balcons des fenêtres. François Pazzi, retrouvé sur son lit tout épuisé du sang qu’il avait perdu, fut traîné au Palais-Vieux au milieu des malédictions et des coups de la populace qu’il regardait en haussant les épaules, le sourire du mépris sur les lèvres, et pendu à la même fenêtre que Salviati, sans que les menaces, les coups ni le supplice aient pu lui arracher une seule plainte. Jean-Baptiste de Montesecco, qui avait refusé de frapper Laurent dans une église, et qui probablement lui avait sauvé la vie en l’abandonnant aux poignards des deux prêtres, eut la tête tranchée. René des Pazzi, qui s’était retiré à la campagne pour ne point être confondu avec les conjurés, ne put, par