une autre chambre. Lorenzo sortit, mais en sortant il mit sous son manteau, sans être vu du duc, ce fameux jaque de mailles qui faisait la sûreté d’Alexandre, et le jeta en sortant dans le puits de Seggio Capovano.
Le lendemain, le duc demanda à Lorenzo où il en était de sa mission ; mais Lorenzo lui répondit qu’ayant affaire cette fois à une femme honnête, la chose pourrait bien traîner en quelque longueur ; puis il ajouta en riant qu’il n’avait qu’à prendre patience avec ses nonnes. En effet, le duc Alexandre avait un couvent, dont il avait séduit d’abord l’abbesse et ensuite les religieuses, et dont il s’était fait un sérail. Alexandre se plaignit aussi ce jour-là d’avoir perdu sa cuirasse, non pas tant qu’il crût en avoir besoin, mais parce qu’elle s’était si bien assouplie à ses mouvemens qu’il en était arrivé, tant il avait l’habitude, à ne la plus sentir. Lorenzo lui donna le conseil d’en commander une autre ; mais le duc répondit que l’ouvrier qui l’avait faite n’était plus à Florence, et qu’aucun autre n’était assez habile pour le remplacer.
Quelques semaines se passèrent ainsi, le duc demandant toujours à Lorenzo où il en était près de la signora Ginori, et Lorenzo le payant toujours de belles paroles, si bien qu’il était arrivé à l’amener, par ce retard même, à un désir immodéré de posséder celle qui résistait ainsi.
Enfin, un matin, c’était le 6 janvier 1536 (vieux style), Lorenzo fit dire au sbire de venir déjeuner avec lui, ainsi que, dans ses jours de bonne humeur, il avait déjà fait plusieurs fois. Puis, lorsqu’ils furent attablés et qu’ils eurent amicalement vidé deux ou trois bouteilles :
— Or çà, dit Lorenzo, revenons à cet ennemi dont je t’ai parlé ; car maintenant que je te connais, je suis certain que tu ne me manqueras pas davantage dans le danger que je ne te manquerais moi-même. Tu m’as offert de le frapper, eh bien ! le moment est venu, et je le conduirai ce soir en un endroit où nous pourrons faire la chose à coup sûr. Es-tu toujours dans la même résolution ?
Le sbire renouvela ses promesses en les accompagnant de ces sermens impies dont se servent en l’occasion ces sortes de gens.