Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/232

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Le soir, en soupant avec le duc et plusieurs autres personnes, Lorenzo, ayant comme d’habitude pris sa place près d’Alexandre, se pencha à son oreille et lui dit qu’il avait enfin, à force de belles promesses, disposé sa tante à le recevoir, mais à la condition expresse qu’il viendrait seul et dans la chambre de Lorenzo, voulant bien avoir cette faiblesse pour lui, mais voulant néanmoins garder toutes les apparences de la vertu. Lorenzo ajouta qu’il était important que personne ne le vit ni entrer ni sortir, cette condescendance de la part de sa tante étant à la condition du plus grand secret. Alexandre était si joyeux qu’il promit ce qu’on voulut. Alors Lorenzo se leva pour aller, disait-il, tout préparer ; puis sur la porte il se retourna une dernière fois, et Alexandre lui fit signe de la tête qu’il pouvait compter sur lui.

En effet, aussitôt le souper fini, le duc se leva et passa dans sa chambre ; là, il mit bas l’habit qu’il portait et s’enveloppa d’une longue robe de satin fourrée de zibeline. Alors, demandant ses gants à son valet de chambre :

— Mettrai-je, dit-il, mes gants de guerre ou mes gants d’amour ? Car il avait en effet sur la même table des gants de mailles et des gants parfumés ; et comme avant de lui présenter les uns ou les autres, le valet attendait sa réponse :

— Donne-moi, lui dit-il, mes gants d’amour. Et le valet lui présenta ses gants parfumés.

Alors, il sortit du palais Médicis avec quatre personnes seulement, le capitaine Giustiniano de Sesena, un de ses confidens qui portait comme lui le nom d’Alexandre, et deux autres de ses gardes, dont l’un se nommait Giomo, et l’autre le Hongrois ; et lorsqu’il fut sur la place Saint-Marc, où il était allé pour détourner tout soupçon du véritable but de sa sortie, il congédia Giustiniano et Giomo, disant qu’il voulait être seul, et ne gardant avec lui que le Hongrois, il prit le chemin de la maison de Lorenzo. Arrivé au palais Sostigni, qui était presque en face de celui de Lorenzo, il ordonna au Hongrois de demeurer là et de l’y attendre jusqu’au jour ; et quelque chose qu’il vit ou qu’il entendit, quelles que fussent les personnes qui entrassent ou qui sortissent, de ne parler ni bouger sous peine de sa colère. Au