Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/263

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tique. C’est tout bonnement un ouvrage de la jeunesse de Michel-Ange, à la fois plein de beautés et de défauts, mais qui, placé où il est, concourt admirablement à l’ensemble de cette belle place.

La Loggia dei Lanzi, un des chefs-d’œuvre de cet André Orcagna qui signait ses tableaux : Orcagna, sculptor, et ses sculptures : Orcagna, pictor, fut élevée primitivement, en 1574, pour offrir aux magistrats, dans les balies qui se tenaient sur la place publique, un refuge contre la pluie qui, lorsqu’elle tombe à Florence, tombe par torrens. Ce sont les rostres de cet autre forum ; c’est de là, et de la Ringhiera, espèce de tribune disparue au milieu d’une tempête populaire, et qui était dressée à la porte du Palais-Vieux, que les orateurs parlaient au peuple. Sous les Médicis, les lansquenets ayant en leur corps de garde dans le voisinage de la Loggia, et se trouvant naturellement inoccupés, comme sont toujours des soldats étrangers, ils passaient leur temps à se promener sous ce beau portique ; de là le nom de Loggia dei Lanzighinetti, et, par abréviation, dei Lanzi.

La Loggia dei Lanzi est richement ornée de statues antiques et modernes ; ces statues antiques, qui sont au nombre de six, et qui représentent des prêtresses ou des vestales, viennent de la villa Médicis de Rome, et ont perdu le nom de leurs auteurs. Les statues modernes, qui sont au nombre de trois, et qui représentent une Judith, un Persée, et un Romain enlevant une Sabine, sont de Donatello, de Benvenuto Cellini et de Jean de Bologne.

La Judith de Donatello doit son illustration, bien plutôt à la circonstance qui a présidé à son installation actuelle, qu’à son mérite même comme art. En effet, c’est une des plus faibles, des plus raides et des plus gauches statues de l’auteur. Elle était au palais Riccardi, et appartenait aux Médicis ; mais, lorsque Pierre, après avoir livré la Toscane à Charles VIII, eut été chassé de Florence, et que son palais eut été pillé, on résolut de perpétuer la mémoire de cette vengeance populaire, en dressant la Judith sous la loge des lansquenets. En conséquence, elle y fut transportée en grande pompe, et l’on grava sur son piédestal cette menace que Laurent II laissa, à son retour, subsister sans doute par