Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/41

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moi et le garde chiourme, et de s’en aller où bon leur aurait semblé avec le canot du gouvernement.

Lorsque nous fûmes rentrés à notre bastide, et tous deux couchés, nos portes bien fermées, dans la même chambre, je fis part de ma réflexion à Jadin.

Jadin m’avoua que, tout le long de la route, il n’avait pas pensé à autre chose.

Le lendemain, à l’heure convenue, nous vîmes arriver notre convive dans sa yole élégante, dont les douze rames tendaient l’eau d’un mouvement si rapide et si uniforme, qu’on les aurait crues mises en jeu par l’impassible volonté d’une machine. Le capitaine la laissa dans le petit débarcadère et monta chez nous. L’hospitalité était moins élégante que celle du Triton ; une petite guinguette des environs en avait fait tous les frais. Heureusement une des qualités de l’air de la mer est de donner un éternel et insatiable appétit.

À deux heures, le capitaine nous quitta ; je le reconduisis jusqu’à sa yole. La yole se balançait seule et vide sur la mer. Les matelots, qui avaient probablement compté que notre déjeuner dégénérerait en dîner, étaient allés faire leurs dévotions au cabaret du fort Lamalgue.

C’était, à ce qu’il paraît, une faute énorme contre les règles de la discipline, car ayant voulu les appeler, le capitaine me pria de n’en rien faire, et me dit qu’il s’en irait sans eux, afin que les coupables comprissent bien la grandeur de leur péché. Comme le capitaine était seul, et que, comme on le sait, il avait eu le bras droit emporté par un boulet de canon, j’offris alors de lui servir d’équipage, ce qu’il accepta à la condition qu’à mon tour je resterais à dîner avec lui. Ce n’était point une condition pareille qui pouvait empêcher mon enrôlement dans l’équipage du Triton. Je répondis donc que je suivrais le capitaine au bout du monde, et aux conditions qu’il lui plairait de m’imposer. En conséquence de l’accord, nous rangeâmes les avirons au fond du canot, nous dressâmes le petit mât, nous déployâmes la voile, et nous partîmes.

Quoique nous fussions séparés de deux milles à peine du Triton, la navigation n’était pas sans un certain danger ; il