Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quitté un seul instant, monta l’échelle le premier ; on sait que c’est d’étiquette, le capitaine est roi à bord. Il expliqua en deux mots comment nous revenions seuls, et donna quelques ordres relatifs à la réception à faire aux matelots lorsqu’ils reviendraient à leur tour. Quant à moi, qui l’avais suivi le plus promptement possible, je reçus force complimens sur la façon distinguée dont j’avais accompli les manœuvres qui m’avaient été commandées. Je m’inclinai d’un air modeste, en répondant que j’étais à si bonne école qu’il n’y avait rien d’étonnant à ce j’eusse fait de pareils progrès.

Le dîner fut fort gai et fort spirituel, notre expédition fit en partie les frais de la conversation. Là, je m’informai des raisons pour lesquelles le lieutenant qui, grâce à sa lunette, ne nous avait pas perdus de vue un instant, s’était abstenu d’envoyer un canot au devant de nous. Il nous répondit que, sans un signe du capitaine qui indiquât que nous étions en détresse, il ne se serait jamais permis une telle inconvenance.

— Mais, lui demandai-je, si nous avions chaviré, cependant.

— Oh ! dans ce cas, c’était autre chose, me répondit-il ; nous avions une embarcation toute prête.

— Qui serait arrivée quand nous aurions été noyés ! merci.

Le lieutenant me répondit par un geste de la bouche et des épaules, qui signifiait :

— Que voulez-vous, c’est la règle.

J’avoue qu’à part moi, je trouvai cette règle fort sévère, surtout quand on l’applique de compte à demi à des gens qui n’ont pas l’honneur d’appartenir au corps royal de la marine.

En m’en allant, j’eus la satisfaction de voir les douze matelots de la yole qui prenaient le frais dans les haubans ; ils en avaient pour jusqu’au quart du matin à compter les étoiles et à flairer de quel côté venait le vent.