Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais encore la pierre du sacrifice. Les faux prophètes, vaincus, furent égorgés par le peuple, et le nom du vrai Dieu glorifié : cela arriva 900 ans avant le Christ.

Depuis ce jour, le Carmel est resté dans la possession des fidèles. Elle laissa à Élisée non seulement son manteau, mais encore sa grotte. À Élisée succédèrent les fils des prophètes, qui sont les ancêtres de saint Jean. Lors de la mort du Christ, les religieux qui l’habitaient passèrent de la loi écrite à la loi de grâce. Trois cents ans après saint Bazile et ses successeurs donnèrent à ces pieux cénobites des règles particulières. À l’époque des croisades, les moines abandonnèrent le rit grec pour le rit romain, et de saint Louis à Bonaparte, le couvent bâti sur l’emplacement même où le prophète dressa son autel, fut ouvert aux voyageurs de toute religion et de tout pays, et cela gratuitement, à la glorification de Dieu et du prophète Élie, lequel est en égale vénération aux rabbins, qui le croient occupés à écrire les événemens de tous les âges du monde, aux Mages de Perse, qui disent que leur maître Zoroastre a été disciple de ce grand prophète ; et enfin aux Musulmans qui pensent qu’il habite une oasis délicieuse dans laquelle se trouvent l’arbre et la fontaine de la vie qui entretiennent son immortalité.

La montagne sainte avait donc été vouée au culte du Seigneur pendant deux mille six cents ans, lorsque Bonaparte vint mettre le siège devant Saint-Jean-d’Acre ; alors le Carmel ouvrit, comme toujours, ses portes hospitalières, non plus aux pèlerins, non plus aux voyageurs, mais aux mourans et aux blessés. À huit cents ans d’intervalle, il avait vu venir à lui Titus, Louis IX et Napoléon.

Ces trois réactions de l’Occident contre l’Orient furent fatales au Carmel. Après la prise de Jérusalem par Titus, les soldats romains le dévastèrent ; après l’abandon de la Terre Sainte par les Chrétiens, les Sarrasins égorgèrent ses habitans ; enfin, après l’échec de Bonaparte devant Saint-Jean-d’Acre, les Turcs s’en emparèrent, massacrèrent les blessés français, dispersèrent les moines, brisèrent portes et fenêtres, et laissèrent le saint asile inhabitable.

Il ne restait donc du couvent que ses murs ébranlés, et de la communauté qu’un seul moine qui s’était retiré à Kaïffa,