Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/6

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voir ce travail terminé : il avait coûté 15,000 francs. La confection de l’urne hydraulique fut poussée plus vivement, cinq petites années suffirent pour la sculpter et la mettre en place. On était alors en 1825. On promit à l’architecte une gratification de mille écus s’il parvenait, la même année, à mettre la fontaine en transpiration. L’eau en vint à la bouche de l’architecte, et il commença à faire creuser, car il avait eu la même idée que vous, un puits artésien. À cinq pieds sous le sol, il trouva le granit. Comme un architecte ne peut pas avoir tort, il dit qu’un forçat évadé avait jeté son boulet dans le conduit, et qu’il allait aviser à un autre moyen.

En attendant, pour faire prendre patience aux notables, l’architecte planta autour du bassin une belle promenade de platanes, arbres friands d’humidité, et qui la boivent avec délices par les racines. Les platanes se laissèrent planter, mais ils promirent bien de ne pas pousser une feuille tant qu’on ne leur donnerait pas d’eau ; le maire, sa femme et ses trois filles, allèrent tous les soirs, pour les encourager, se promener à l’ombre de leurs jeunes troncs.

Cependant, Rougiez, après avoir fait ses quatre repas, était obligé d’aller boire à une source abondante qui coulait à trois lieues au midi ; c’est dur quand on a payé vingt-cinq mille francs pour avoir de l’eau.

L’architecte redemanda cinq autres mille francs, mais la bourse de la commune était à sec comme son bassin.

La révolution de juillet arriva ; les habitans de Rougiez reprirent espoir, mais rien ne vint. Alors le maire, qui était un homme lettré, se rappela le procédé des Romains, qui allaient chercher l’eau où elle était et qui l’amenaient ou ils voulaient qu’elle fût : témoin le pont du Gard. Il s’agissait donc tout bonnement de trouver une source un peu moins éloignée que celle où Rougiez allait se désaltérer ; on se mit en quête.

Au bout d’un an de recherches on trouva une source qui n’était qu’à une lieue et demie de Rougiez, c’était déjà moitié chemin d’épargné.

Alors on délibéra pour savoir s’il ne vaudrait pas mieux aller chercher le village, sa fontaine et ses platanes, et les