Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/7

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amener à la source, que de conduire la source au village. Malheureusement le maire avait une belle vue de ses fenêtres, et il craignait de la perdre ; il tint en conséquence à ce que ce fût la source qui vint le trouver.

On eut de nouveau recours à l’architecte, avec lequel on était en froid. Il demanda vingt mille francs pour creuser un canal.

Rougiez n’avait pas le premier mille des vingt mille francs. Réduit à cette extrémité, Rougiez se souvint qu’il existait une chambre. Le maire, qui avait fait un voyage à Paris assura même que chaque fois qu’un orateur montait à la tribune, on lui apportait un verre d’eau sucrée. Il pensa donc que des gens qui vivaient dans une telle abondance ne laisseraient pas leurs compatriotes mourir de la pépie. Les notables adressèrent une pétition à la Chambre. Malheureusement la pétition tomba au milieu des émeutes du mois de juin ; il fallut bien attendre que la tranquillité fût rétablie.

Cependant le mal avait un peu diminué. Comme nous l’avons dit, l’eau s’était approchée d’une lieue et demie : c’était bien quelque chose ; aussi Rougiez aurait-il pris sa soif en patience, sans les épigrammes de Nans.

— Mais, interrompit Méry, usant du même artifice que l’Arioste, cela nous éloigne beaucoup de Cuges.

— Mon cher, lui répondis-je, je voyage pour m’instruire, les excursions sont donc de mon domaine. Nous reviendrons à Cuges par Nans. Qu’est-ce que Nans ?

— Nans, mon ami, c’est un village qui est fier de ses eaux et de ses arbres. À Nans, les fontaines coulent de source, et les platanes poussent tout seuls. Nans s’abreuve aux cascades de Giniès, qui coulent sous des trembles, des sycomores, et des chênes blancs et verts. Nans fraternise avec cette longue chaîne de montagnes qui porte comme un aqueduc naturel les eaux de Saint-Cassien aux vallées thessaliennes de Gémenos. Dieu a versé l’eau et l’ombre sur Nans, en secouant la poussière sur Rougiez. Respectons les secrets de la Providence.

Or, chaque fois qu’un charretier de Nans passait avec son mulet devant le bassin de Rougiez, il défaisait le licou et la bride de son animal, et le conduisant à la vasque de pierre,